Des superhéros pétris de valeurs musulmanes
Lundi 18 juin 2007 N°87 matin plus
Bande dessinée.
Oubliez Spider-Man et Superman: voici Les 99. Nour, Soura ou Jabbar,
dotés de superpouvoirs conformes aux règles de l’islam, sauvent le monde et
prêchent la tolérance, explique le quotidien espagnol El Mundo. pour matinPLUS
" J’ai le soutien des grands théologiens" Naif al-Mutawa,
créateur de la BD Les 99
REPÈRES
«Les histoires de ces superhéros se déroulent de nos jours mais tout
démarre, en réalité, en 1258, rapporte
La Vanguardia, le grand quotidien de Barcelone. A cette date,
le petit-fils de Gengis Khan
saccage Bagdad et brûle sa bibliothèque.
Les Gardiens de la Sagesse
sauvent le contenu des livres qu’elle abritait en les
cachant dans 99 pierres
précieuses.»
Les 99 tiennent leurs
pouvoirs de ces pierres, dotées chacune de l’une des 99 qualités
que les musulmans attribuent
à Allah. Les premiers volumes de la série atteignent des
chiffres équivalents aux
versions en arabe des fameux comics de Marvel
(Spider-Man, etc.) au Moyen-Orient et au Maghreb.
Les 99 y sont également publiés en planches dans
différents journaux.
Spider-Man et Superman: voici Les 99. Nour, Soura
superpouvoirs conformes aux règles de l’islam, sauvent
tolérance, explique le quotidien espagnol
El Mundo.
Vu la quantité de torts à redresser, ce n’est pas deux ou trois
superhéros dont a besoin le monde musulman. Mais 99 pourraient faire l’affaire.
C’est sans doute ce que s’est dit Naif al-Mutawa, créateur et scénariste
de la BD Les
99, en vogue dans les pays arabes.
Ni Superman ni Spider-Man, ni même les X-Men n’étaient capables de
résoudre la situation
explosive que connaît le Proche-Orient. Du coup, ce Koweïtien de 35 ans,
père de quatre enfants, est allé puiser dans la philosophie coranique pour
créer une bande dessinée à partir
d’archétypes du monde musulman et diffuser un message de tolérance sur
le monde.
«Dans ces histoires, il y a même des pistes pour résoudre les conflits»,
souligne le créateur.
Des personnages comme Nour (Lumière), Soura (Organisatrice), ou encore
le très musclé
Jabbar (Puissant), aussi rapide que l’éclair, ont envahi l’imaginaire
des adolescents
musulmans du monde entier. La lutte universelle entre le bien et le mal
est la trame récurrente
de cette BD de superhéros à l’orientale avec le Coran pour toile de
fond. Les histoires s’inspirent
de légendes et de personnages propres à la culture musulmane. Ici, plus
d’imposants gratte-ciel new-yorkais en guise de décor, mais les déserts du
Proche- Orient ou encore les bibliothèques séculaires des califes de Bagdad. Et
les superhéros sont garantis «hallal», avec des superpouvoirs conformes aux
règles de l’islam.
Le lancement des
99 remonte à mai 2006. Les premières planches ont paru au Koweït. Leur
succès s’est étendu par la suite à l’Egypte et à d’autres pays. Le pire
ennemi des 99 a toutefois
été la censure, comme en Arabie Saoudite, où règne une monarchie prônant
une observance
du Coran des plus stricte.
«Paradoxalement, on peut publier à Riyad les BD de Spider-Man, Superman
ou Batman, mais Les 99 y sont interdits, déplore al-Mutawa. Ce que je veux,
c’est que le message de l’islam soit diffusé sans manipulation. Si vous portez
sur le Coran un regard de haine, c’est le message que vous y trouverez. Mais,
si vous le regardez avec amour,
il ne fait aucun doute que vous y trouverez une philosophie bien plus
constructive.»
Les 99
se veulent différents des comics occidentaux.
Cette série s’adresse à un public bien spécifique, les musulmans. De ce
fait, elle devait
s’adapter aux spécificités intrinsèques à cette culture.
«Les comics avec superhéros se répartissaient en deux catégories: les
Américains, du style Superman ou Batman, fondés sur la tradition
judéo-chrétienne, et les Japonais dans la veine des Pokémon, qui rassemblaient
les valeurs de la culture asiatique. J’ai donc eu l’idée de faire une
bande dessinée fondée sur des archétypes de l’islam. J’ai décidé de partir de
l’idée des 99noms ou attributs d’Allah pour créer mes personnages,
raconte Naif al-Mutawa. A eux tous, ils diffusent un message de sagesse,
de force et de tolérance. Mais Les 99 ne sont pas pour autant une BD religieuse,
pas plus qu’ils ne parlent du Coran.»
A l’exception de quelques radicaux, les théologiens musulmans ne voient
pas d’un mauvais œil
la publication des
99. D’ailleurs, le financement du projet provient à 90 % de l’Unicorn
Islamic
Investment Bank, un établissement bancaire régi selon les lois de la
charia, la loi coranique.
«J’ai le soutien des grands théologiens, du grand mufti de Bosnie aux
sages du Maroc», souligne Naif al-Mutawa, qui dirige au Koweït la maison
d’édition Teshkeel Media, l’un des principaux éditeurs de BD de la région, où
elle publie notamment les albums publiés par Marvel Comics [l’un des principaux
éditeurs américains du genre, avec Spider-Man, Hulk ou Captain America].
S’inspirant de ces mythiques éditions, Les 99 seront d’ailleurs lancés aux
Etats-Unis en octobre prochain et des contrats de distribution ont été signés
pour la Malaisie et l’Indonésie.
Rosa Meneses,
El Mundo, Madrid